Parfois, on voit une scène et on regrette que la caméra soit déjà démontée et rangée dans le sac à dos.
Samedi, à 18 heures, la police a chassé les manifestants les plus fervents jusqu’à la bouche de métro « République ».
Avec ma carte de presse, je suis restée dans la rue un peu plus longtemps que les autres. « Madame, c’est fini », - il me fait un clin d’œil derrière sa visière, - « Rentrez chez vous, il n’y a plus rien à filmer ici. »
Soudain, un des policiers descendit rapidement les escaliers pour entrer dans le métro, et, avec virtuosité, il ramassa de ses gants gonflés un bout de papier sur le sol. J’ai déjà essayé plusieurs fois de prendre un ticket de métro avec mes gants de cuir très fins: franchement, je n’ai pas réussi à le saisir tout de suite. Le bout de papier en mains, le brigadier courut jusqu’au tourniquet, mais il n’y avait plus personne. Dans sa confusion, il a regardé autour de lui : seul le sans-abri hirsute assis par terre au mépris de tous les interdits se roulait une cigarette. Le policier s’est précipité vers lui, lui a mis le morceau de papier dans la main: « Tiens, c’est ton jour ! » et en trois bonds, il est remonté au niveau de la rue.
Quelques minutes se sont écoulées, le temps que je cherche un ticket dans mon sac à dos, que je range les batteries et les micros au bon endroit et que je me fraye un chemin avec tout mon barda jusqu’au tourniquet. Le type hirsute était toujours là, immobile, il avait oublié sa cigarette et fixait son regard sur le billet de cinquante euros qu’il tenait dans sa main.